Le Yod, ou « doigt de Dieu », est une figure astrologique réputée difficile : il pointe toujours vers un noyau de tension inconsciente. L’énergie du sextile, harmonieuse en apparence, se trouve happée et contrainte par l’apex, comme si une mission secrète — ou un fardeau invisible — devait absolument être portée. Psychologiquement, cela agit comme une fissure souterraine, une faille qui pousse à chercher une résolution impossible, générant souvent anxiété, sentiment d’inadéquation et conduites obsessionnelles.
Chez Belle Gunness, le sextile Mars–Mercure aurait pu nourrir une intelligence vive, pratique et incisive. Mais au lieu d’une expression fluide, cette dynamique s’est cristallisée en Pluton apex en Taureau. On retrouve ici le schéma classique des Yod : une tension refoulée, vécue comme une contrainte névrotique.
Pluton en apex, surtout dans le signe de la possession matérielle et des instincts corporels, agit comme un trou noir psychique. Il capte et dévie l’énergie mentale (Mercure) et pulsionnelle (Mars) vers des conduites de contrôle, de domination, d’obsession. Ce qui aurait pu devenir une quête intérieure de transmutation s’est figé en compulsion de possession et de destruction. Dans le langage psychologique, on pourrait évoquer un mécanisme de névrose obsessionnelle, où la tension intérieure se décharge par des actes de maîtrise absolue — jusqu’à l’anéantissement de l’autre.
Ce Yod ne signale donc pas seulement une tension abstraite : il décrit un pattern de vie intérieure marqué par le sentiment que « quelque chose manque », que « rien ne suffit ». Le sujet se sent condamné à agir pour apaiser cette faille, mais chaque action la rouvre plus encore. Dans le cas de Gunness, cette dynamique se serait exprimée par une répétition compulsive : séduire, tromper, posséder, puis détruire. En profondeur, ce Yod peut être lu comme un schéma karmique ou une empreinte psychique d’inachèvement. Seule une confrontation consciente avec l’ombre, par un travail intérieur d’intégration, permet de transmuter un tel schéma, ou une activité de proximité avec des énergies plutoniennes de terrain, certains métiers le permettent, mais à l’époque de Belle Gunness, c’était plutôt difficile... Alors resté dans l’inconscient, le Yod s’est incarné en un cycle morbide, comme une spirale obsessionnelle sans issue, donnant au destin criminel de Gunness sa signature si implacable.Vénus anarète maitre de Pluton apex : la faille affective
La présence de Vénus à 29° du Scorpion est plutôt saisissante. Le dernier degré d’un signe agit comme une crise de synthèse, une tension ultime avant le passage. Vénus, planète du lien, de l’attachement et de la valeur, se trouve ici en territoire plutonien, cernée par les forces de perte, de possession et de domination. On peut y voir un nœud affectif tragique : aimer ne va pas sans détruire, désirer ne va pas sans posséder, séduire ne va pas sans trahir.
Or Vénus gouverne le Taureau, signe où se situe l’apex plutonien du Yod. Autrement dit, l’énergie obsessionnelle de Pluton (apex) reste sous la coupe d’une Vénus blessée, située elle-même à un point de crise (29°). C’est comme si la racine de l’obsession destructrice se situait dans un traumatisme affectif profond, un manque viscéral, une impossibilité d’aimer autrement que par l’annihilation.
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Soleil en Scorpion opposé Pluton en échos à l’opposition Lune/Vénus
Au pattern plutonien que nous venons d’exposer, s’ajoute l’opposition Soleil en Scorpion – Pluton en Taureau. C’est une signature de dualité interne, vécue sur le mode conflictuel :
 →  Le Soleil en Scorpion exprime une identité déjà marquée par la profondeur, l’intensité et la confrontation à l’ombre.
 →  Pluton en Taureau, en face, agit comme une force d’inertie, de fixation dans la matière, une volonté de contrôle absolu.
L’opposition Soleil/Pluton est classiquement associée à des vécus passionnels intenses, où le moi est aspiré par des forces inconscientes. Dans sa vie, cela s’est traduit par une impossibilité à maintenir une relation durable sans qu’elle se solde par la mort de l’autre. L’homme, chez Belle, ne pouvait être qu’un adversaire, une proie ou une menace. Ce schéma est en écho direct avec le traumatisme de jeunesse rapporté : le paysan qui l’aurait engrossée puis battue, la privant de son enfant. Dans ce prisme, Pluton en Taureau a figé l’expérience de la perte dans une logique de vengeance permanente.
Une logique de possession absolue
Pluton en Taureau (gouverné par Vénus anarète en Scorpion), opposé au Soleil scorpionien, exprime un besoin intransigeant de fixer et posséder : l’autre devient un bien à contrôler, puis à éliminer s’il échappe au pouvoir. Psychologiquement, cela évoque une structure où l’ego (Soleil) ne peut se consolider qu’en exerçant une domination mortifère (Pluton). Chez Belle, cela se matérialise par son accumulation de terres, d’argent et d’« hommes-ressources » qu’elle transformait en capital avant de les supprimer.
Dans une perspective psychanalytique, l’opposition Soleil/Pluton peut nourrir une identité scindée : un moi conscient qui croit agir rationnellement, et un inconscient qui agit comme une force de destruction inéluctable. Chez Belle, cela a pris la forme d’un double visage : la veuve respectable et maternelle d’un côté, la tueuse méthodique et glaciale de l’autre.Â
Pris ensemble, les deux oppositions créent un pattern plutonien d’aliénation :
•   Le Soleil (l’ego, l’identité consciente) et la Lune (la sphère intime et maternelle) cherchent des repères stables (Scorpion/Taureau).
•   Mais Pluton et Vénus forcent à l’intensité, au contrôle, à la passion destructrice.
Le sujet vit alors une polarisation : d’un côté, un moi qui veut survivre coûte que coûte par la puissance et le contrôle (Pluton Taureau, Vénus Scorpion), de l’autre, des besoins primaires et affectifs qui aspirent à la simplicité (Soleil Scorpion, Lune Taureau), mais qui sont systématiquement compromis.
Cliniquement, cela évoque :
•   Une guerre intérieure permanente, nourrissant l’obsession et la compulsion.
•   Un risque de clivage affectif : incapacité à aimer sans détruire ou posséder.
•   Une dynamique paranoïde : percevoir l’autre comme une menace à éliminer ou un objet à instrumentaliser.
•   Une énergie vitale (Soleil) qui se lie à la destructivité inconsciente (Pluton), renforçant l’idée d’un moi en perpétuelle confrontation avec la mort et la perte.
C’est une configuration de dissociation, mais aussi d’identité fracturée, où l’ego devient le champ de bataille des pulsions inconscientes. On pourrait presque parler, dans une grille psychanalytique, d’un moi vampirisé par le ça — ou, dans une lecture clinique moderne, d’une personnalité marquée par une base de trouble borderline à composante perverse. Nous émettons un bémol cependant, et c’est ici que la prise en compte de l’intégralité des patterns du thème demeure incontournable pour ne pas commettre d’erreurs de diagnostics, en soulignant la présence centrale du carré en T dominé par Saturne en Lion (au NÅ“ud sud). On a là une sorte de surmoi centralisateur qui court-circuite tout débordement intempestif du ça, « ravalé » en quelque sorte dans un alambic hypercontrôlé, mais d’autant plus dangereux, c’est la bête intérieure du ça domptée par une puissance mentale diabolique qui en fait un sbire glacial et infaillible.Â
En reliant ces trois points :
•   Vénus (anarethé, en Scorpion) gouverne Pluton apex en Taureau.
•   Pluton, lui, s’oppose au Soleil scorpionique.
•   Soleil et Vénus sont ainsi pris dans un triangle d’ombre dominé par Pluton.
Ce schéma ferme une boucle, où l’affect (Vénus), l’identité (Soleil) et la pulsion de destruction (Pluton) se nourrissent mutuellement. D’un point de vue psychologique, cela évoque un schéma névrotique d’obsession relationnelle : la personnalité se définit à travers une polarité de séduction et de destruction, incapable de s’extraire de la compulsion.
On pourrait résumer ainsi :
•   Le Yod pousse Gunness vers une focalisation plutonienne compulsive.
•   Vénus anarethe, en lien avec Pluton, ajoute une faille affective : le désir est vécu comme un piège, l’amour comme une menace.
•   Le Soleil opposé Pluton empêche toute intégration consciente : le moi est divisé, vampirisé par l’ombre.
C’est comme si tout son thème criait « contrôler ou mourir », et que la voie évolutive du Yod (transmutation, sublimation) n’avait pas trouvé issue, laissant place à une expression criminelle. Â
Lune conjointe Uranus : la faille maternelle et l’émotion éclatée
La Lune représente la matrice originelle, le lien à la mère, le sentiment d’appartenance et la sécurité de base. En conjonction avec Uranus — même dissociée — elle se trouve soumise à une force d’instabilité radicale. Psychologiquement, cela correspond souvent à :
•   Une insécurité émotionnelle chronique, comme si le sol affectif se dérobait en permanence ;
•   Un rapport à la mère perçu comme imprévisible, fragmenté, voire violent ;
•   Une propension à vivre ses émotions de manière soudaine, explosive, détachée de l’empathie.
Dans un thème criminologique, cette configuration est redoutable : elle signale une incapacité à intégrer la tendresse maternelle. L’affect est coupé par des décharges électriques. L’émotion ne nourrit plus, elle désorganise. On peut y voir le germe de ce que les cliniciens décriraient comme une difficulté à construire l’attachement, et donc une fragilité dans l’accès à l’empathie.
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Mercure opposé Uranus (orbe 0°) : la pensée dissociée
Mercure, maître de la pensée, du langage et de l’articulation rationnelle, se heurte à Uranus par une opposition exacte. C’est un clash cognitif permanent :
•   La pensée devient déroutante, fulgurante, imprévisible ;
•   Elle tend à fonctionner en dehors des schémas logiques classiques ;
•   L’esprit se sent perpétuellement en lutte avec lui-même, tiraillé entre raison et éclairs anarchiques.
Dans une perspective psychologique, ce genre d’opposition peut nourrir un sentiment de dissociation intellectuelle, voire une coloration paranoïde : les idées surgissent, incontrôlées, dans une sorte de court-circuit permanent. Reliée au reste du thème, cette configuration alimente l’aspect stratégique et manipulateur de Gunness, mais aussi sa froideur calculatrice doublée de brusques éclats imprévisibles.
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Mise en perspective avec les autres pointsÂ
En reliant ces éléments à ce que nous avons déjà développé :
•   Lune–Uranus : fracture affective, incapacité à se relier à la tendresse, instabilité émotionnelle.
•   Mercure–Uranus : fracture cognitive, dissociation mentale, imprévisibilité du raisonnement.
•   Vénus anarète / Pluton apex / Soleil–Pluton : fracture pulsionnelle, obsession relationnelle, compulsion de possession/destruction.
Nous avons ainsi un faisceau convergent de failles psychiques : affective, cognitive, pulsionnelle. Chaque polarité se retrouve minée par une tension excessive, sans médiation possible.
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Synthèse psychologiqueÂ
On pourrait résumer ainsi :
•   La Lune (maternage, sécurité) est déstabilisée par Uranus.
•   Mercure (pensée, articulation) est fragmenté par Uranus.
•   Vénus et le Soleil (amour et identité) sont vampirisés par Pluton.
Le thème montre donc une personnalité où aucun pilier psychique n’offre de refuge. L’ego (Soleil), l’affect (Vénus, Lune) et le mental (Mercure) se trouvent chacun en état de tension permanente. Cela donne une impression de « système fermé », tournant à vide, condamné à recycler ses propres pulsions dans des schémas répétitifs et destructeurs.    La matrice norvégienne : aliénation domestique et horizon ferméÂ
Belle naît en Norvège rurale, fin XIXe siècle, dans une société encore fortement patriarcale et agricole.
•   Le destin féminin y est quasi exclusif : mariage, enfants, soumission. Les femmes n’avaient ni autonomie économique, ni véritable droit de disposer d’elles-mêmes.
•   Dans ce cadre, le Saturne en Lion conjoint au Nœud Sud symbolise la rigidité du rôle imposé : être femme, c’est être fixée à un rôle, à une filiation, à un ordre social hiérarchique.
•   L’amas en Verseau au Nœud Nord, avec Junon, Vesta, Chiron et Lilith, apparaît comme un contrepoids karmique : la quête d’une voie nouvelle, d’un espace de liberté hors des carcans traditionnels.
 Le passage au « rêve américain » : libération et violence
À la fin du XIXe siècle, des milliers de femmes scandinaves émigrent vers les États-Unis, attirées par la promesse d’un avenir autonome : terres, opportunités économiques, affranchissement des structures patriarcales de l’Ancien Monde.
•   Gunness incarne cette migration, mais avec un détournement radical : là où certaines y trouvent indépendance et prospérité par le travail, elle transforme ce rêve en une logique prédatrice.
•   Pluton apex du Yod traduit la transmutation impossible : au lieu d’élaborer une émancipation constructive, la fracture psychique convertit la quête d’indépendance en compulsion destructrice.
•   Uranus et le cortège de points au Nœud nord Verseau apporte l’idée de rupture et d’affranchissement, mais mal intégré, il se déploie en froideur clinique, en usage des hommes comme ressources à exploiter puis à éliminer. Tous les moyens étant bons pour s’arroger liberté et indépendance.
Le crime comme pseudo-libération féminine
Le contexte social éclaire ici la dimension symbolique :
•   Chaque meurtre peut se lire comme une négation du rôle conjugal imposé. L’homme, censé être le centre du foyer et l’autorité, devient la victime — l’objet sacrifié sur l’autel de son indépendance.
•   Lilith en Verseau accentue la révolte contre le féminin aliéné, mais au lieu d’accoucher d’un féminisme créatif, elle se cristallise en féminité noire, où la femme n’existe qu’en détruisant le modèle conjugal traditionnel.
•   L’opposition Saturne en Lion du NÅ“ud sud et le cortège en Verseau du NÅ“ud nord traduit ce conflit : entre l’ancien ordre patriarcal et la promesse d’une société nouvelle. Mais Gunness n’intègre pas la tension, elle la résout par le meurtre, forme extrême et perverse de libération. D’un point de vue sociologique, Belle Gunness incarne la face sombre d’une émancipation arrachée dans un monde où les femmes restaient prisonnières du mariage et de la dépendance domestique. Astrologiquement, le faisceau Pluton–Uranus–Verseau met en lumière cette tension : promesse de mutation intérieure, mais dévoyée en compulsion destructrice. En définitive, Belle Gunness s’érige en parodie macabre du rêve américain : liberté, richesse et autonomie, non conquises par l’intégration sociale, mais arrachées dans la négation radicale de l’autre. © 2025 Déborah Torres. Texte protégé par le droit d’auteur.  Â
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